Droit au limage

Avant de trouver ce titre banal et sans intérêt à cet éditorial, je voulais l'appeler “Yodelice est-il un con?”. Eh puis m'est venu à l'esprit que Yodelice était un personnage et que la personne qui l'incarnait, Maxim Nucci n'était surement pas en cause dans mon raisonnement, mais que c'était probablement une personne de son entourage. Et pis Maxim est gentil et je l'aime bien. Et pis c'est mal de dire de quelqu'un que c'est un con -surtout sans preuve. Alors, comme un con, j'ai changé d'avis, et de titre.

“Mais pourquoi diable cet énergumène de Foire aux Vins de Bordeaux s'impose-t-il des questions aussi saugrenues ?” vous dites-vous avec vos mots à vous -allitération en v-. Eh bien parce que figurez vous, mon bon lecteur, qu'en à peine un mois, on m'a demandé à trois reprises de valider mes photographies de concert. Pour rappel, la validation consiste à envoyer une série de photos, qui passent généralement par un management qui décide de valider totalement, partiellement ou d'invalider une série afin qu'elle soit utilisée dans un cadre -généralement- précisé.

“Mais pourquoi diable […] nous boursoufle-t-il les synapses avec ses interrogations déplacées ?” pense passivement Paul planqué pour ne pas provoquer la panique -allitération en p– (car Paul est laid, comme Alphonse). Eh bien, pour plusieurs raisons.
La première c'est que si ce type de management tient uniquement à avoir de jolies photos, il suffit tout simplement de choisir de bons photographes. Du coup, plus besoin de valider : un bon photographe prend de bonnes photos -et il vaut mieux pour lui s'il veut continuer- et le mauvais photographe -ou qualifié comme tel- ne prendra pas de photo, ce qui n'est pas grave parce qu'il ne sera pas accrédité.
Ce raisonnement permet d'instaurer une relation de confiance entre les gens qui, le plus souvent, travaillent régulièrement ensemble. Ça demande un peu de vérification en amont du concert, mais aucune après. Finalement c'est pareil.

Mais en réalité c'est le principe même de la validation qui me choque. Toute personne publique prise en photo lors de l'exercice de ses fonctions ne peut prétendre à jouir de son droit à l'image a dit à plusieurs reprises la jurisprudence. A ce titre, la validation d'un photographe représentant un artiste sur scène est tout simplement une violation de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la -qui est applicable à la presse écrite comme au web depuis 2003 et la fameuse LEN. Imaginez vous seulement Nicolas Sarkozy ou Martine Aubry demander validation d'images prises lors de discours, de meeting ou de sortie publique. Imaginez les titres de la presse et les réactions des organisations et syndicats si un homme politique demandait la validation de ses clichés. Évidemment, cela provoquerait l'ire de la profession soutenue, tous derrière et l'opinion devant. A juste titre.

Pourquoi donc alors, une photo d'un concert -et j'exclus de mon raisonnement les sessions acoustiques, les portraits ou toutes autres activités promotionnelles dérivées qui sortent du cadre habituelle de la promo concert/plateau télé/interview- devrait être validée ? Pourquoi donc un photographe dûment accrédité par un label, un management et un tourneur devrait en plus faire valider ses photos par un artiste -en plus de le faire valider par sa rédaction- alors que dans le même , des centaines de photos prises pendant tous le concert -au delà des 3 premiers titres, c'est mal…- au flash, mal cadrées, fleuriront sur MySpace, Facebook, Twitter, Flickr et autres réseaux sociaux à la Skyblog… Pourquoi, Ô Dieu, odieux Dieu, pourquoi, je te le demande ? (oui je m'emporte et pas que de La Chapelle)

Ceci dit, il reste une autre solution (je dis une autre, parce que la première que je proposais était de se plaindre -le gémissement étant le premier hobby national en France-, solution que je pense maîtriser plutôt bien), c'est de refuser… Oui on peut. Non n'est pas obligé de venir shooter le premier artiste qui soit uniquement parce qu'il est connu et qu'il passe à la télé et par la même accepter les méthodes validationnaires d'un autre temps. Non ça ne l'est pas. Mais si l'on en vient à limiter son travail uniquement à cause des personnes que l'on a en face, n'est-ce pas la début de l'auto-censure ? Peut-être ne devrais-je pas me répondre…

Benjamin Charles

Photographe, réalisateur, consultant social media & content

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Comments (9):

  • le ridicule de tout ca ? j’ai couvert les 2 soirées de la cigale dans son integralité à yodelice … et la j’etais repassé en “simple photographe avec 3 chansons + validation” alors que d’apres les echos “ils avaient adorééééé mes images”.

    le ridicule bis :

    3 artistes couverts par le hiboo hier :

    Gossip > direct. Pas de validation
    Muse > direct. Pas de validation
    Yodelice > … toujours pas en ligne faute de validation.

    De mémoire, qu’on soit OK, qui est le moins connu des 3 ?

  • @Rod J’ai également fait tout le concert de la Cigale et j’ai couvert ses concerts à Paléo et à Solidays et j’avais jamais eu de validation… Ceci dit ca commence à se généraliser. Et à me gonfler.

  • c’est chez qui Yodelice ? si c’est Asterios ça ne me surprend pas leur méthode, ils le font de plus en plus !!!!

  • surtout pour quelqu’un comme Yodelice, ce serait encore dans le cadre de show qui dévoilerait des choses préparées dans le plus grand secret,dans ces cas-là je comprends qu’on demande une validation pour être sûr que tout n’est pas lâché à la vue des futurs spectateurs.

    Mais comment cette validation est-elle justifiée en fait?

  • Yodelice est chez Mercury, tourné par Auguri. Mais c’est pas le tourneur qui demande validation 🙂
    @Ced : Yodelice est chez Mercury, tourné par Auguri. Mais c’est pas le tourneur qui demande validation 🙂
    @Gael : Aucune justification… Et je ne parle même pas de l’interdiction FORMELLE, écrite, redite et menacée de photographier Marion Cotillard alors même qu’elle était présente sur scène avec lui sur les 3 PREMIERS TITRES !

  • Ah Yodelice tiens… Pour info, au Parisien on nous a interdit de couvrir le concert parce que… nous avons annoncé dans l’édition du matin que Marion serait sur scène avec lui…

  • Je me rappelle de plusieurs fois où le management d’artistes voulaient voir les photos avant publication (Ddionysos et Cali notamment en début de tournée), j’ai jamais eu de refus concernant mes photos… mais j’ai jamais eu d’interdiction de photographier un musicien ou un chanteur spécifique sur scène par rapport aux autres…

  • Comprends pas.

    Si l’organisateur d’un événement essaye de contrôler la production – image, texte ou autre – des journalistes venus couvrir, les journalistes refusent et en bloc, non?

    Perso Yodelice, j’en avais jamais entendu parlé. Vous ne pensez pas qu’il a plus besoin de vous que vous de lui ?

    Je viens de me souvenir qu’en France les reporters texte laissent leurs interviewés relire leurs interviews. La bataille est sans doute déjà perdue.

    Dommage, ce n’est plus du journalisme.

  • Salut!
    La 1ere fois que j’ai vu une affiche de Yodelice, j’ai tout de suite penser, visuellement, au groupe Hooka Hey.
    Ensuite, lorsque j’ai vu le clip de Yodelice, j’ai là aussi de suite pensé à Hooka Hey…
    ça m’a titillé… Je ne connais pas bien le groupe Hooka Hey, juste via relation de boulot (production) et pas non plus Yodélice (ça m’ennuie un peu comme zic…)

    Et je suis tombé sur ce blog, assez fourni, où il y a aune comparaison entre les 2, en terme d’image, de visuel:
    http://panopticomm.unblog.fr/2009/11/

    C’est assez troublant, voir pire…
    Donc effectivement, ta reflexion sur ce droit à l’image, pour des gens dont c’est le métier de se montrer, est très pertinente!
    A+
    C.

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