Avant-propos : cette chronique contient des spoilers, y compris concernant la fin, d’Annette de Leo Carax.

Il est des œuvres que je regrette toute ma vie d’avoir vues. Chaque fois que j’y repense, je me revois tourner les pages, lire la tracklist ou sortir avec difficulté du générique. Je me rappelle comment j’ai longtemps hésité à lire les dernières pages des Amitiés particulières ou comment j’ai longtemps tourné dans Midgar pour ne pas finir Final Fantasy VII. Je me rappelle de la première fois que j’ai terminé Horses de Patti Smith. Depuis ce samedi, plus jamais je ne verrai pour la première fois Annette de Leos Carax.

Plus jamais je ne serai déconcerté par la première scène broadwesque d’où jaillissent les Sparks accompagnés d’Adam Driver et Marion Cotillard, sur un plan séquence à la mise en scène magistrale. Plus jamais je ne me demanderai si l’Henry McHenry est plutôt l’avatar de Louis C.K. où une critique acerbe du stand-up et son humour du quotidien type « avez vous déjà remarqué que… ? ». Plus jamais je ne me demanderai pendant plusieurs minutes si l’enfant d’Ann et Henry ne serait pas en réalité un mauvais VFX qui ressemble à un pantin. Plus jamais je ne découvrirai l’extraordinaire plan séquence autour d’un Simon Helberg dépourvu d’identité jusqu’à son prénom mais chantant sa misère en même temps qu’il dirige l’orchestre de ses rêves. Plus jamais je ne serai surpris aux larmes par l’extraordinaire duo final entre Adam Driver et Devyn McDowell lors que Pinocchio refuse désormais d’être le jouet de son père.

Tout comme j’adore revoir Mulholland Drive pour y chercher une nouvelle théorie, ou chercher un nouveau détail jamais remarqué dans Requiem for a Dream, je reverrai avec un immense plaisir la magistrale mise en scène de Leos Carax, sublimée par la lumière de Caroline Champetier (déjà la la manœuvre sur Holy Motors) : mais jamais plus je n’aurai le plaisir de découvrir pour la première fois Annette. Alors, à ceux qui n’ont pas encore eu la chance d’épuiser cette opportunité : profitez-en.