Mauvais sang
Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin, infesté de souvenirs soulevés par les morts brutales de ceux pour qui le bien coulait. Désarmé face à cette injustice amère, je l’ai insulté puis j’ai fui dans mon espérance enfantine, jusqu’à tenter de m’étrangler avec la joie féroce qui me contemple. Elle aussi m’a fui.
Ce sont les fléaux et le sang qui ont accueilli mon esprit meurtri dans la froideur de ma foi qui s’éteignait mort-née, allongée dans la boue, humide. J’allais pour longtemps laisser la marque de mon pied. Je me suis moi aussi séché à l’air et à mes délires.
Et l’été m’a apporté l’affreux rire des idiots.
Perdue depuis longtemps, la clef de mes songes sombrait au fond de ce festin que tout le monde ignorait. C’est l’inspiration que j’ai rêvé qui repousse les démons tentant de me couronner de leur toge de pavot dont je m’étais déjà paré.
Je n’ai trop pris, alors je vous en conjure, laissez le petit scribe que je suis recopier les pensées qui se détachent de ses feuillets du carnet de damné.
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Je ne marche nulle part. Je reste là devant l’immonde bête sauvage qui guette mes sept ans, après les quinze qui furent la sainte image des marches ivres sur le rivage de l’enfance. Sourdes, mes infirmités chroniques récitent les paroles païennes pour louer le fardeau qui m’empêche de m’évanouir, qui parfois me fait reculer sur le chemin des damnées. Chargé de vies, je contemple les bords de ce chemin, tortueux, qui semble aller vers l’infini qui s’ignore. J’ai cette attente interminable et indéfinissable en horreur, comme si cette race qui me définissait m’enfonçait dans le faisceau qui se durcit à mon passage.
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Quel mensonge ouvre la route aux singulières caravanes qui pullulent dans les puits torturés par l’ennui et la colère ? De cette chimie de neurones, il ne reste que quelques paroles qui reviennent à moi en écho, et s’affairent à créer cet air plaqué et délétère, couteaux aiguisés dans ma trachée qui tente de se dégager en toussant ses excuses. Fallait-il que j’adore les vices qui me considèrent à l’écriture maudite de ces images de douleur ? Je soigne cette gourmandise avariée avec le sucre empoisonné de la conquête de ces désirs avariés. Ivre de sommeil.
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Délaissé par la perfection, je débarque, ma folie qui bout dans l’exaspération d’une foule de pasteurs qui soulève son poing vengeur vers mon visage, désarmé par la fatalité. De longues nuits d’hiver ont précédé ces voyages épars vers la faillite émotionnelle où s’étreignent dans le prisme de disant devant mes yeux. Ma pupille se rétracte en regardant cette lampe aveuglante et son filament qui brulent ma rétine, et imprime sa violence sur ma cornée qui se voudrait vierge.
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Je ne veux pas le mal. L’ai-je seulement fait ? Je cherche la légèreté dans ma fabrique de tristesse qui, à chaque heure sa peine, produit à instant régulier des nuages érotiques et des rêves névrosés. Le baptême de banalités me refuse son coup de grâce qui me placerait entre les deux rives que je vois s’éloigner. Infirme, perdu et fatigué au milieu de ce fleuve aseptisé, je m’épuise en tentant de ne pas couler. L’eau saura me réveiller.
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Les pleurs secondent la tristesse de cet ennui mortel qui refuse de se pratiquer. Entre mépris et regrets, je regarde ce miroir qui se détourne de moi et me déclare le pire de mes sosies… Mon bonheur trop établi s’est envolé, souple et dissipé, et s’est mis à flotter au-dessus de mon reflet flasque, que je n’espère plus éternel. Il n’est pas besoin d’envie de s’aimer pour vivre. Je regarde les autres moi, si loin qu’ils ne peuvent plus apercevoir mon ombre. Innocence, cruel fléau et déteste amour, rejoignez-moi dans la sensibilité de mon cœur aux abois qui me combat quand je suis faible. Regardez encore l’humidité floue de ma vision. Damnez-moi si plus rien ne peut m’aider.
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Je regarde mon mauvais thé se diluer dans cet antre de plastique bleu. J’aimerais dire que c’est le poisson d’où la mort me gagnerait sans souffrance. Mais la banalité terrifiante de ce liquide jaunâtre me ramène à cette réalité froide d’où je ne peux sortir. Cette peine qui me semble éternelle me suit. Est-ce celle qui est en moi, ou celle dans laquelle le suis ? Le regard perdu dans ma froide infusion divague et je me vois autre. Je me vois mieux. Mieux que ce que je ne verrais jamais dans ces vitres qui parfois reflètent celui que j’aimerais ignorer.
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J’imagine la présence des absents dans ce bassin doré qui reflète les âmes disparues. Je me plonge en entier dans cet anneau liquide qui m’observe fixement. Il soulage la douleur du départ, guérit le passé des souffrances que le manque a creusé. Je vois devant moi ce concert d’échos damnés qui cache mal son désir paranoïaque de revenir vers moi. Je me fonds dans leurs étranges formes pour ne faire qu’un, pour rétablir cette vérité qui fut. Plus rien ne s’oppose au luxe du retour, dissout dans mon âme qui se reflète dans la fontaine gelée. Je refuse de plier sous le poids du temps qui se moque divinement de moi.
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Que de larmes se sont écoulées en pensant à tout ce qui n’est plus, ignorant parfois l’espoir de ce qui sera. Parfois même dédaignant ce qui est. Maudit par l’horloge, je me laisse porter par les aiguilles que sont les fourches qui me piquent, soixante fois par minute, d’une régularité affolante, me plongeant dans un affreux délire infernal. Soumis à l’enfant que j’ai été, chargé de mépris et de haine pour ce qui se perd, je répète mes tortures infaillibles.
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Ce baiser putride me poursuit dans le fleuve maudit qui s’écoule trop vite. Cette sanctification est devenue enfer dans les tourments qui ne se poursuivent sans jamais s’arrêter. Assis devant le parvis de l’espoir courbatturé, mon corps se refuse à tout mouvement, tandis que je repense aux lèvres délicatement posées sur la peau brune. Je crie, mais personne ne m’entendra jamais tant mon misérable cœur étouffe les sons qui voudraient s’échapper de moi. Je suis l’esclave de ma douleur.
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Je bois mon avenir hideux. Sans l’accepter vraiment, je ferme les yeux et l’ingurgite pour faire corps avec lui. Au plus profond de moi, je le sens s’imprimer et emplir tout mon être. Sa délicate et mystérieuse ascension en moi aiguise mes sens, et je peux maintenant exprimer chacun de mes mouvements. Mais j’ai mal. Tellement mal. Défiguré par la douleur, mon reflet ivre s’isole un peu plus dans un décor où rien ne s’aligne jamais. Tout y est chaos, rendant toute description vaine et approximative.
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Déchiré par le rejet, je pense à l’être. Moins aux corps qu’aux sentiments, et à ce cœur brisé pour longtemps, et qui refuse de se renouveler. Il n’y a plus de bons et de mauvais côtés, seulement de sombres délires qui m’enfouissent sous le poids du remords jusqu’à l’étouffement. Sans profonde folie, je navigue dans l’océan trouble de la dépendance aux souvenirs qui se flouent. Ensorcelé par ce Styx où se perdent les âmes, je me laisse guider au loin. Loin de l’été, dans le froid glacial qui m’a gelé jusqu’à me rendre immobile, dans cette peau sombre où tout refuse de vivre.
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Je veille dans cette journée qui ignore les heures et les minutes. Égaré dans les courbes qui passent, j’oublie moi aussi ce qui devrait se perdre sous peu. Bientôt l’oubli précoce deviendra une perte définitive, et le souvenir s’évadera comme s’il n’était jamais arrivé. Je panse baisers et étreintes, je vois nuages quadrillés et pelouse morcelée. La réalité frivole me permet la honte d’avoir aimé.
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Je rêve de cette ville inconnue aux lumières pastel qui m’accueillerait au présent et en surface. Dans un monde luisant, illuminant le creux des cœurs qui pèlent l’individu. J’aimerais quitter ces paysages de tristesse pour rejoindre les couleurs de rues accueillantes, me briser face à l’affection des autres. Ouvrez vos bras, j’arrive en trombe dans l’inconnu qui acceptera ma présence. L’aventure d’une nouvelle vie me guette, et j’aimerais ce soir la sentir sur moi, et me dévorer.
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Les affres des mots modernes me semblent dérisoires face à l’Histoire des pages qui se succèdent devant moi. Je sens une croisade chargée d’érotisme débuter sans moi. Très loin. Elle m’ignore et se refuse à moi. Dans ce voyage à la littérature affolante, je rêve de découvertes et de guerres contre moi. Ils sont tous là. Aimés et devant moi. Les larmes embuent le brouillard de cette matinée humide où la rosée ne s’évapore pas.
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Ma conception circulaire du temps corrompt la liqueur tiède qui s’évapore quand on y pense trop longtemps. Le temps se courbe sous l’effet des alcools. L’instant est amer et poétique, comme une hallucination qui s’exprime dans l’innocence des conséquences avariées. Des rapprochements semblent possibles si l’imagination se fait suffisante. Et ce temps qui avance sur le chemin du ciel se perd, lui aussi, dans les trop nombreuses variantes qui désorganisent l’expression de mes esprits châtiés.
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Première strophe de discours. Pendant un court instant d’inspiration, j’agite mes aigreurs pour me rapprocher de la poésie du verbe. J’aimerais qu’il me cerne, m’entoure, et à son tour m’asphyxie. Le sable des mots s’étale sur la plage de mes pages. Je m’étends longuement pour oublier l’innocence. Ah l’alchimie parfaite ! Elle n’est pour moi qu’une infirme part de réalité promise à un concept abstrait, exprimé par d’étranges gouts amers. J’aimerais lui dire adieu. J’aimerais surtout n’avoir jamais connu son existence. Alors je dessine mes silences pour mieux les oublier, tournoyant sous le vertige de ma peur de n’être jamais celui dont j’ai rêvé. Reflet de paix.
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Je m’éprends de ce temps qui s’ajoute lentement devant moi, le fixant avec ce regard immobile et morbide. Les passages les plus sensibles constituent une fine couche de brume autour de moi qui m’empêche de voir au loin. Je me vide de toute substance. Je me désintègre. Je me dissous encore une fois dans un nouvel être. Renaissance intime sur l’autel qui console chacun de mes mots-offrandes. Ne rejetez pas l’expression de mes sens devant le déluge d’émotions. Acceptez-moi.
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Au plus haut des tourbillons de tourment s’allument les pensées grasses de veille. J’observe tendrement la dureté de la nuit solitaire. Écartez pour moi ce qui cache votre lumière et montre l’éclat de votre jaune frisant qui veut luire sur moi. Où se cache ce moi dans les fantasmes se reportant systématiquement sur autrui, reflets difformes ?
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Un brouillon infernal se froisse devant moi. Hallucination volontaire ? Je ne peux pourtant que le subir et j’ai depuis fort longtemps perdu tout contrôle sur ces flamboyantes visions. Pays de ténèbres, accueille-moi dans l’allusion de ta folie, je suis à ta frontière devant ta porte. Je me souviens de tes histoires qui parlent de ton royaume aux confins du réel. Accueille mes sophismes et mes excès aux chants de la douleur enfermée. Je sais ce qu’est une clef.
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Consolé par l’impossible, je m’allie aux conclusions fatales du repentir. Je fantasme de nouvelles fugues, seul et malmené par les yeux du monde dans mes souvenirs. J’élude sans préavis cette souffrance qui refuse de partir. Dévasté par ce chagrin estival, je repense à ceux qui ont émietté leurs cœurs sur le mien, graines de savoir dans mes éclairs parfois mystique. Faut-il pour autant que je m’accorde le déshonneur qu’ils brandissent devant mon iris grand ouvert ?
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Ellipse. Je salue l’enfance avant la mort. Elle est douce et savoureuse. Sa tendresse me réchauffe. Il n’y a ni faux damnés ni joie trompée. Regardez, je souris ! Je n’ai ni pays ni ami, mais les apparences ne cachent à cet instant rien de plus. Pas de fuite non plus. Je marche lentement vers demain, inconscient de ce mauvais sang. Les autres semblent aussi naïfs que moi. Qu’il me semble beau ce monde aux tendres allures légères, colorées et indolores.
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L’âge d’or est une autre partie de mon temps. Inconnue. Disparue. Intouchable en tout vas. Je m’éveille au milieu de ces divagations rumeurs qui me portent. Je ne sais où m’échapper. Ni quand. Je ne sais d’ailleurs si je veux m’échapper de ce lieu et de ce temps. Je suis simplement le fil du raisonnement qui me tient en joue pour m’empêcher de m’échapper sur le Styx, où pour sûr, je me noierai pourtant. Cette tyrannie de l’esprit, déchirante infamie, me propulse violemment contre ce mu de mes lamentations où pleure le ciel.
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Dans le Marais de Dante, je cherche qui descendra avec moi le Styx sur la carte des martyrs. Mais je ne suis pas un héros. Simple soldat déchu du désespoir, je suis à l’asphyxie de la lave des regards qui voudraient me voir noyé. Mais je me sauve à l’instant où la vie me quittait. Morbide simulacre. La sagesse qui me restait s’éloigne sans que je ne le voie. Ce monde n’a plus d’âge et moi, éveillé en son sein, je guette la vie.
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Je songe aux hallucinations qui souvent me guettent et à ce venin, impératif catégorique, insolent et violent, que j’injecte parfois dans les trop tendres victimes. Cette vision de pureté altérée inonde mon esprit embaumé par cette époque immatérielle et indatable. La tyrannie de l’esprit forge l’horloge qui teinte chaque délit de l’âme. Mornes données. Les visions se multiplient jusqu’à devenir plus réelles que la réalité. Pendu à ces tourbillons virtuels où je philosophie en vain, mes songes remplissent ma vie sans limites du Moi. Et tout ça disparait.
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Le cœur des autres bat dans ma main qui se reforme. Je sens au plus profond de moi leurs battements comme s’ils étaient miens. Brandies par les plaignants, les douleurs symptomatiques des conséquences du passé brulent mon image. Je souffre aussi, mais je n’ai pas la parole. Mes rêves oisifs se cendrent devant moi, disparaissant au vent qui les attise. La rumeur gronde et souffle sur les braises coiffées par les flammes. De ce brasier jaillit celle qui voudrait être martyre, mais qui n’est que victime d’elle-même. L’odeur du mauvais sang, sacrilège hargneux, innocente les parages. Plus personne à ignorer.
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Mes confesseurs soutiennent et m’accueillent. Parfois leur présence me dépasse, mais ils comptent plus qu’ils ne le voient. Leurs facultés descriptives me dépassent. Dans la nuit sans fond, mes yeux las les observent et se reposent sur leurs épaules solides et tendues vers moi. L’ai-je mérité ? Je me pose souvent cette question devenue une ritournelle traditionnelle au milieu de mes cauchemars qui feignent la soumission. Ils se refusent à cacher les rêves en s’illustrant par eux-mêmes auteur de cette grande place blanche. Je m’y revois…
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La fierté d’autrefois ne m’est jamais revenue. Elle m’a fui en même temps que cette vois penchée qui me suivait et m’écoutait. Aujourd’hui encore, je sanglote en repensant à elle, quand être moi n’était ni un chagrin ni une souffrance. Je m’enferme également dans ce que je suis, puisant mon être au-delà des limites que peuvent fixer les affres qui défigurent la vie. Il n’est plus question d’émouvoir, mais d’ouvrier les valves de la mendicité émotionnelle pour laisser s’égoutter les manques d’hier qui sont les fuites de demain.
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La vérité est un orgueil qui souvent me dépasse. Je rêve de cette éducation sensible et symbolique, aux relations douces et permissives. Rien ne se projette plus en moi que ces couleurs délabrées, destructives, qui viennent abattre les châteaux de mots. Les caresses cotonneuses tournent autour de moi et je n’entends rien de ce confort affectif et protecteur.
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Les matinées me refusent le salut de leurs travaux. Le pas lourd, loin des sentiments évidents, je rente de cacher ce qui doit éviter le jugement, et embellir les envoles grises qui ne me font pas sourire. Le mensonge est l’arme de cette faiblesse crue et misérable qui me ronge, rouille acide qui avance sans pardon. Dans les tréfonds pourris du port de la misère se cache la tristesse de la reconnaissance noyée. De ce brouillard, les yeux fragiles de l’autre ne percent pas. Ils ne font pas non plus l’effort de passer outre. Alors, je vis reclus de la conduite éternelle, puisant le secours dans une vie imaginaire qui m’est propre. Dispensé de toute rechute, le mensonge s’implante dans cette terre de mots boueux où les vers grouillent. Damné jusqu’à la modernité prosaïque, cet art du souvenir s’enlise dans les brises acérées des cantiques affirmations.
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Ma vierge évangélique renie sa fureur passionnelle au profit de ses mystères singuliers. Elle n’accuse pas, elle nomme chacun de ses regrets de mon nom, et porte son jugement péjoratif sur l’auréole de mon âme, qui disparait dans n’avoir jamais vraiment existé. L’évident est démontré, et l’autre jubile. Heureux de son raisonnement fallacieux qui, par un calcul sophronique, s’embarque dans une vérité approximative qu’il voudrait voir éclater aux yeux du monde. Le mien s’est écoulé depuis. Les espoirs avec.
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Sur les ruines du crucifiement, je m’engage sous une lueur qui peine à bâiller. Rien n’est jamais acquis, ici encore moins qu’ailleurs. Autour de cet élu, celui des mystères sombres, un fleuve porte la barque des espoirs. Elle flotte sur l’eau salée, fruit d’hallucinations innombrables. Mon dépit parmi les décombres s’enfonce dans le sol humide. Ici s’achève l’automne, saison aux couleurs infernales qui cultivent la brume. Au loin se tient la Ville Nouvelle qui ne m’attend pas. Je n’attends rien d’elle non plus. Mes vers solitaires détriment la passion que j’ai de travers une dernière fois mon existence. Il n’est pas besoin de compagnie pour créer mes mots qui rassurent.
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La mine du corridor de mon regard admire ces paradis déchus au-dessus du lac stagnant puis du Marais purulent. Rien ne s’engage dans cette vision putride qui recule sur les pas des anciens qui ont dû en être les maitres. J’aimerais y courir, lentement et sans douleur, dans la chaleur de cet été aux souvenirs qui ont le gout presque imperceptible qui ne disparait jamais. La preste m’est acquise. Marqué par cette saison d’enfer, je déploie mes soupirs de vengeance qui paradent sur le deuil de la famine affective. Mais d’où vient ce vite abyssal qu’aucune saison ne sait combler ?
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Déjà je disparais au fond de la voute dorée qui tient l’aorte de mes croyances. Quel ami, quel mensonge, quel amant accepterait de tenir ma main tandis que je m’enfonce dans la réalité crue, dans cette vérité cruelle ? Frappé par la honte du passé, l’orage du jugement dernier traverse ma vie nouvelle. Je rejoins la rive qui me semble désormais si proche. Plus rien ne s’oppose à la mort.
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À qui parlerais-je de mes futures blessures quand j’aurais fini de nager sur ce Styx glacé ? Je n’y vois personne. Quelques Illuminations qui peut être, dans un supplie infernal, brulerons mon corps quand je m’en approcherai. Là-bas, les armes ardentes frappent l’enfance et l’innocence, me ramènent à la cime de l’arbre de vie qui m’a engendré, et dont la corde du pendu m’attend encore. Cette belle alliance sous l’aurore magique de l’hiver qui approche, créé des deuils de toutes sortes qui fragilisent l’équilibrent de mon esprit.
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Ma barque coule. Je la vois s’emplir de cette lave glacée, du fond rongé par le temps. Toujours lui, intrépide chevalier à l’armure plus dure que mon courage. Je le laisse faire. Un rapide calcul. Nous n’y serons pas à temps.
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Las des critiques et des jugements par défaut, je n’ai plus les forces combattives pour nager vers les rives de la ville nouvelle. Je regarde le fond se rapprocher de moi jusqu’à ce que l’eau n’atteigne mon visage. J’ai froid, mais je laisse le soulagement m’envahir. Celui de cette dernière réalité violente qui m’asphyxie vers une autre exigence. Dans tous les cas, loin de celle-ci.
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Mon visage submergé regarde la subtile limite entre le liquide et l’air. Je sais que c’est également celle entre la vie et la mort. Je me laisse partir sans combattre, courbatturé par mes efforts d’hier. Une clarté s’efface, espérant ainsi une renaissance au printemps, calme et reposée. Je repense alors à la chaleur de l’été, et je ferme les yeux en pensant à ma main tenue par une autre, soudée de confiance. Le sifflement de la vérité frappe mon oreille, déformé par le liquide qui me tue. Mais je vais en paix, soulagé et confiant. Je coule vers moi même, dans cette envie portée aux uns par les portes qui s’ouvrent.
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D’ici, plus rien ne bouge. Adossé au fleuve, je regarde fixement le ciel qui nage à la surface. Mes yeux ne clignent plus et ceux qui hurlaient à ma mort ont déjà loin. Le mauvais sang ne sera pas déversé, mais il restera conscrit, dans ce corps que plus rien n’hésite. Dernier rêve de plaisir, dernière hallucination de joie. Je chante la fin des miens, je change ma fin, seul dans mon monde abyssal, de cette voix éteinte que personne n’entend, de ces sons que personne, jamais, ne comprend.
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C’est ainsi que ce fleuve ressemblant à la Ville Nouvelle, accueille mon âme au courant mauvais, en criant l’incendie diurne, écumant les jugements étouffés. Marqué par les saisons qui s’effacent, je repose dans la vase chaude qui sait contenir ce que je suis. Nul besoin d’égard ici, nul besoin de regard. Je finis avec ma propre absence, dans mon individualité intacte. J’ai mon corps, mais perdu mon âme, et je purge dans ce bas fond la clarté de la honte. De ces délires meurtris, il ne reste plus rien que quelques vagues souvenirs qui déjà s’oublient. Mais de mon esprit surtout, surgit cette vérité qui enfin, luit.