Les tartines

Je ne pense pas être un maniaque pointu exclusif prêt à la torture guantánamesque pour arriver à faire passer ses bas idéaux mais il y a néanmoins (comme Michael Jackson) des comportements qui m’énervent au plus haut point.

D’abord, il y a la connerie. Mais de nature aussi chétive que Gandhi et courageux comme un moine fantassin en 1574, je n’oserais m’en prendre à la majorité tel un député communiste en mal d’espace dans les colonnes de l’Humanité.

Ensuite il y a les files d’attente. Ces interminables files d’attente, des ASSEDIC au McDonald’s, de la boucherie à Carrouf, ces insupportables rangées d’humains rangés dont la délivrance ne sera possible qu’après une parole de leur messie qui leur tiendra à peu près ce langage « Ca s’ra tout ? Ca nous y f’ra onze euros et vingt centimes. Mersihorvoir ». Je déteste qu’on me dise « Au revoir » alors que je n’ai pas quitté la caisse. Après avoir payé mes onze euros et vingt centimes qui représentent à mes tarifs de consulting actuels près de dix-huit minutes de travail, j’estime avoir le droit de prendre le temps qu’il me plait pour prendre mon plateau ou mes paquets de chips à l’oignon (ne prendez pas les chips à l’ail de Franprix elles sont vraiment dégueulasses) et de repartir en ma demeure pour apprécier en solitaire mes achats.

Mais ce qui m’énerve au plus haut point, l’Everest de mon ire, ce sont les gens qui essorent leurs tartines. Qu’y a t’il de plus inutile et paradoxale qu’une personne qui essore la tartine qu’il vient juste de tremper dans son café crème tiède ? Je fais pourtant partie de cette catégorie moyenne et acceptable de gens qui trempent leurs tartines dans… Je sens que certains sont perdus…

Catégorie 1 : ceux qui ne trempent rien, les austères.

Freud aurait probablement rattaché cette pratique au sadisme. Tout petit déjà, l’austère préférait aller à la piscine de boules de Walibi plutôt qu’à l’Aqualibi, ce qui aurait déjà du déclencher une prise de conscience chez ses parents qui aurait dit lire le susnommé Freud plutôt que Boule et Bill. Après avoir pratiqué l’abrupte sodomie, ainsi nommée par Jean Kullaszec, il a découvert comment satisfaire ses sadiques désirs de plans austères comme la Grèce en ingurgitant ses tartines devant un bol d’un quelconque liquide sans jamais mélanger les deux. On distinguera cependant l’austère du pauvre, qui lui, va jusqu’à attendre que le pain soit dur et l’ingurgitera sans même avoir ajouté la moindre quantité de beurre ou de confiture dessus.

Catégorie 2  : ceux qui trempent un peu mais pas trop, les normaux.

Les normaux sont, comme moi, les personnes qui trempent de manière tout à fait distinguée tel une Pamela du XVIème leurs tartines subtilement agrémentées de quelque mets, dans la continuité directe de la tradition vatelienne qui se transmet de grand-père en fils depuis le XVIIème siècle. Cette pratique est bonne et saine par elle permet aux ingrédients de se mélanger harmonieusement en créant des savoirs inédites tel un film de Canal+. Peu accessible au grand public car elle demande une dextérité, une pratique et un entrainement conséquent, le « Normal tremp » (du nom que lui a donné Anne Stuart) est à la gastronomie ce qu’Akejan Kazhegeldin est au Kazakhstan.

Catégorie 3  : ceux qui trempent trop, les névrosés obsessionnels.

Les névrosés obsessionnels sont tout simplement des normaux ratés (parfois des anciens austères de bas étages) qui ne comprennent que peu ce que le mot dosage veut dire. Souvent répugnés par l’idée de manger une tartine sèche alors qu’ils ont sous leurs narines bourrées de mucus une légère brume de Twinings Earl Grey, ils ont à cœur de tremper et surtremper leurs tartines jusqu’à ce qu’elles débordent et  régurgitent du liquide par tous les pores, comme le pif d’un  gamin de quatre ans. Certains vont même jusqu’à, paroxysme de l’horreur, faire tomber des morceaux de leurs mets dans leur breuvage ce qui a pour terrible conséquence de créer des tâches grasses aussi immondes que l’Erika.

De facto, les névrosés obsessionnels sont au trempage ce que les bikers sont à l’homosexualité. Des austères refoulés.

Catégorie 4  : ceux qui trempent leurs tartines et qui l’essorent, les kimenerves.

Enfin il y a ceux qui seront malheureusement les premiers si on en croit cette connerie de maxime. VDM. Cette dernière catégorie, probablement créée par Satan lors d’une orgiaque soirée avec Saddam Hussein après s’être rendu compte qu’on pouvait faire pire que le pica ou la carpophobie. Les kimenerves sont tout simplement des « gens » qu’on peut biologiquement qualifier d’humains de part leur anatomie mais dont les déviances nutritionnelles sont absolument intolérables. Loin de moi l’idée de juger les kimenerves tel Boy George devant Célestin II, mais quand même. Qu’est-ce qui peut donc bien pousser ces espèces de sitiomanes du petit déjeuner à tremper leurs tartines dans leur liquide puis à tenter de l’essorer comme s’ils regrettaient leur geste tout juste susnommé. Pourquoi donc ces orthorexiques du quatre-heures poussent-ils le vice de leur déviance jusqu’à faire résonner leurs petites gouttes de café afin que tout leur entourage profite de leur obsessionnelle pulsion digestive.

Je vous l’affirme, bande de gens qui le lisez, ces gens là, et je prends mon courage avec toutes les mains que ma mère a bien voulu me faire, ne méritent pas de manger.

Article initialement publié sur MegaConnard

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Benjamin Charles

Photographe, réalisateur, consultant social media & content

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