Roland Barthes

J’ai bien tout lu Roland Barthes. Son obstination à donner à chaque machin (mes mots sont plus triviaux que les siens) un nom me fascine. Sorte de psychanalyste des mots, il découpe, lit, colle, interlit les textes à tous les niveaux imaginables. L’écriture, les lettres, les mots, les phrases, les textes, les livres, les œuvres complètes, et contextualise ou au contraire théorise froidement tout, ensemble et/ou séparément. Il dépèce et dissèque comme un médecin légiste. L’œuvre de Barthes (puisqu’il est de fait lui-même auteur de ce qu’il dirait) m’a fasciné autant qu’elle m’a emmerdé. Les deux sont-ils incompatibles ?

À force de se branloter le nerf optique à tout bout de virgule, Barthes semble en oublier la création, pourtant essence même du mot. Il décrit longuement dans le Plaisir du Texte dans les années 70’s (en décriant au passage les surréalistes, c’est peut être ça qui m’a mis en rogne) avec cette verve assez sadique qu’ont les érudits de vouloir tout expliquer, détruisant au passage la magie du texte.

Vous me direz “t’es pas obligé de lire”. Déjà “toi-même”. Ensuite, c’est vrai, mais le propos de Barthes est pertinent (plus que mon jugement sans doute) et illumine les “à côté” de ce qu’on pourrait ignorer, mais omet totalement la magie de l’écriture et de la lecture. La liberté absolue qu’elles offrent, ensemble ou séparément, réduit les mots à l’état de théorie (ce que je fais un peu présentement). En rendant le texte froid, Barthes enferme les mots dans un carcan intellectualisé avec des règles strictes qu’il tente de rendre les plus objectives possibles, mais qui semblent exclure le plus grand nombre.
L’art est conçu sur des règles qu’il a lui-même construites puis déconstruit. Alors je ne regrette pas d’avoir lu les règles, analysé celles dictées par Barthes, pour mieux comprendre. Mais pour moi, l’écriture comme la lecture, restent un vaste terrain où la seule règle est l’expression de quelque chose, aussi automatique et surréaliste soit-il. Mon écriture (qu’elle soit publiée ou non) est avant tout mon expression personnelle (nécessaire) avant de répondre à quelque règle ou analyse. Libre à celui qui a du temps à perdre de décortiquer toutes mes conneries. Mais la création, et notamment l’écriture, doit rester la plus libre possible afin d’être populaire et accessible. Ou de le devenir.

Benjamin Charles

Photographe, réalisateur, consultant social media & content

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