C’est nos valeurs qu’on assassine

Chronique publiée sur Le Transistor

L’été commence, l’école s’arrête. Les chérubins de France et d’ailleurs retrouvent leur liberté et le temps de flâner dehors pour jouer au foot ou chez eux pour regarder la télé ou écouter de la musique. Sauf que…

Quelques mois avec s’être qualifiés en trichant pour le Mondial en Afrique du Sud, les Bleus se sont donc fait, logiquement et sans surprise, éliminer au plus grand bonheur de la presse du monde entier qui trouve enfin un sujet à insulter sans froisser aucun actionnaire. Après la grossièreté en une, la presse retombe dans son habituelle vulgarité et traîne un peu plus dans une boue la trentaine des blaireaux impotents et surpayés envoyés en vacances en Afrique du Sud.

Pendant ces trois semaines de vacances, l’équipe de France de football a perdu. C’est peu grave. Elle a terni l’image de la France. Sarkozy et Royal s’en étaient chargés avant. Mais surtout, l’équipe de France a, encore une fois, porté un grave coup aux valeurs du sport.

Comment expliquer aux poussins de Bouc-Étourdi, qui jouent le dernier match de championnat dans Gevenoz-Le-Grand, qu’ils ne peuvent sauter de joie quand ils viennent de gagner en trichant, alors qu’ils ont vu à la télévision le vieux grabataire septuagénaire qui leur sert de président de Fédération embrasser celui qu’on surnomme désormais Ray -surement pour sa face de cul- ?

Comment expliquer à un benjamin de Charleville-Mézières qu’il doit venir tous les samedis matin à l’entraînement parce que c’est important d’être préparé pour un match, alors qu’il a vu sur le grand écran plasma de son salon une bande de vingt-trois branleurs corrompus par le fric comme des fonctionnaires ukrainiens, refuser de faire trois petits tours de terrain et de taper dans un ballon ?

Comment expliquer à un minime de Saint-André-Les-Vergers, qui vient de se faire expulser, qu’il n’a pas besoin de mettre des lunettes noires et un pull à capuche pour rentrer chez lui quand un attaquant indélicat sponsorisé par une richissime fortune pétrolifère rentre en loucedé à Londres après avoir été la risée de la France ?

Parce qu’elle est là la vraie décadence sociale. Et malheureusement, elle n’est pas spécifique au football et encore moins au sport. Cette suffisance omnibulatoire des valeurs matérielles corrompt un peu plus chaque jour les pratiques amateures. Analoguement (!) on retrouve cet effondrement général dans toutes les pratiques sportives et culturelles. C’est ainsi que la musique devient à la culture ce que le football est au sport : l’allégorie du début de la fin.

Free money (comme hurlait Patti Smith), Mary Jane (comme débitait Rick James) et Rock’n’Roll (comme criait Led Zeppelin) voilà probablement les valeurs ingurgitées par ces amateurs de sports ou de culture. Voilà les valeurs qui phagocytent les passions. On ne veut plus faire de la musique, on veut être une rock star ou gagner Nouvelle Star. On ne veut plus jouer au football, mais gagner le Ballon d’Or… En quelques années, le star system combiné aux tapages médiatiques ont réduit les valeurs naturelles de ces “passions” à des phénomènes marketing et commerciaux. De quoi se poser des questions quant à l’avenir du bénévolat, de l’entraide et de tout ce qui faisait que Coubertin pouvait se permettre de dire “L’important c’est de participer”.

Benjamin Charles

Photographe, réalisateur, consultant social media & content

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